« Les humanités permettent de mieux comprendre les défis contemporains »

Portrait de Clémence Fort, doctorante en histoire à l’ENS-PSL

Créé le
2 mai 2024
DOSSIER - LES HUMANITÉS À L'ENS-PSL
Clémence Fort est doctorante en histoire de l'art à l’ENS-PSL. À l’occasion de ce dossier spécial consacré aux humanités, elle nous raconte son parcours, au croisement de l’histoire et de l’histoire de l’art.
Clémence Fort

Un parcours à la croisée de l’histoire et l’histoire de l’art

Après le baccalauréat, ce sont deux matières que Clémence a à cœur d’étudier : l’histoire et l’histoire de l’art. À l’exception d’une année d’Erasmus effectuée à York (Angleterre), c’est à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne qu’elle suit les cours de licence et de master en histoire de l’art. En parallèle, elle s’inscrit en licence d’histoire à l’université Paris-Nanterre puis intègre le master d’histoire transnationale de l’ENS-PSL. Un cours d’histoire moderne axé sur la Nouvelle-France sème les premières graines d’un fort attrait pour ce thème « jusqu’alors assez peu étudié ». Elle évoque avec plaisir l’école de la rue d’Ulm, qui « représente une opportunité unique d’approfondir toujours plus [ses] connaissances dans des domaines d’études variés tout en bénéficiant d’un environnement intellectuel stimulant et d’une communauté enseignante exceptionnelle ». Naît là un terreau fertile pour son engagement : elle y devient pendant ses deux premières années de thèse représentante des doctorants et doctorantes, l’occasion pour elle de « prendre part à la vie de laboratoire et de tisser des liens avec ses camarades ».

Passionnée par la Nouvelle-France, elle prend la voie de la recherche. Toujours aussi enthousiaste qu’à ses débuts, elle décrit le doctorat comme « une opportunité singulière qui permet de passer beaucoup de temps au contact des archives », mais aussi « une voie privilégiée pour développer des compétences d’analyse critique, de rédaction et d’acquérir une expérience dans l’enseignement supérieur ». Lauréate d’une bourse doctorale de l’EUR Translitterae, elle entame une thèse intitulée « Collectionner les americana : la Nouvelle-France dans les cultures visuelles et l’art des Lumières (v. 1700-1763) », sous la direction de Charlotte Guichard (ENS) et de Peggy Davis (UQAM). Elle explore ainsi la manière dont les objets de Nouvelle-France, exposés dans les collections françaises du 18e siècle, ont véhiculé des représentations visuelles et des savoirs nouveaux, tout en promouvant l’entreprise coloniale française en Amérique du Nord et en métropole.

Autre facette du doctorat qui lui « plaît beaucoup », elle découvre l’univers des musées : par un stage au musée du Quai Branly-Jacques Chirac sous la direction de Paz Núñez-Regueiro, puis par le poste d’assistante de recherche à distance auprès du conservateur David Pullins au Metropolitan Museum of Art de New York. À la fin de sa thèse, elle souhaite continuer sur cette lancée et travailler dans la recherche, que ce soit dans le monde universitaire, ou bien dans une institution muséale. Peu réticente à l’idée de voyager, elle s’imagine exercer dans l’Hexagone, ou à l’étranger.

Interdisciplinarité et collaboration, deux concepts essentiels en recherche

Clémence convoque deux concepts pour décrire la recherche. L’interdisciplinarité tout d’abord : « face à la complexité croissante des études en histoire de l’art, il est de plus en plus important […] de s’engager dans des dialogues avec d’autres disciplines telles que l’histoire, l’anthropologie, la sociologie, les études postcoloniales ou l’économie ». Elle insiste : la recherche « bénéficie de l’intégration de multiples perspectives par l’étude d’autres disciplines ». Nuance toutefois, elle ne nie pas « l’importance de toujours revenir à [s]a « discipline mère » pour maintenir la cohérence et la rigueur scientifique de [s]on propos ».
Autre concept essentiel selon elle : la collaboration, et notamment entre le monde de la recherche et les institutions muséales. Si ces domaines évoluent de manière relativement indépendante, elle estime qu’une « coopération plus étroite pourrait apporter des avantages significatifs à l’enrichissement de l’histoire des collections ».

Les humanités, clés d’une meilleure compréhension du monde contemporain

Interrogée sur le sujet des humanités, elle explique que, « dans leur globalité, [elles] encouragent la réflexion critique et la diversité des perspectives dans différentes matières », nous donnant les clés pour « mieux comprendre les défis contemporains tels que la mondialisation, les inégalités sociales, les conflits culturels et les problèmes environnementaux ». À ce titre, l’histoire de l’art représente un vecteur pour « comprendre les valeurs, les croyances et les idéaux qui ont façonné les sociétés à travers le temps », nous poussant à « réfléchir sur nos propres conceptions du monde contemporain ».

Aux élèves intéressés par les humanités, elle recommande de « cultiver une curiosité insatiable et une ouverture d’esprit ». Elle les invite par ailleurs à saisir les opportunités d’échange intellectuel qui s’offrent à eux, notamment par le biais des événements académiques. Un prérequis pour faire de la recherche ? Être mu par la passion du sujet choisi, afin de ne pas perdre le goût du doctorat. Autre conseil, ne pas hésiter à collaborer avec d’autres chercheurs et chercheuses.
Elle appelle les universités à valoriser les humanités « en tant que domaines d’étude essentiels pour comprendre la société, la culture et l’histoire ». Cela passe notamment selon elle par une collaboration accrue entre les départements d’humanités et les autres disciplines. Enfin, attirer les étudiants et étudiantes va de pair avec la concrétisation des perspectives professionnelles offertes par ces études : il faut pouvoir « mettre en avant les compétences transférables développées par les étudiants en humanités en favorisant les stages, les partenariats avec les entreprises et les opportunités de carrière dans des domaines connexes ».